En 2018, une question est posée à Richard-Giacobetti, « qu’est-ce qu’un artiste ? » La réponse qu’il donne est la suivante « Un artiste, c’est quelqu’un qui laisse consumer sa cigarette jusqu’à ce que la cendre tombe s’en sans rendre compte ... même s’il ne fume pas ». Pourquoi, une telle réponse ?
Richard-Giacobetti débute dans les années 90 par la photographie de reportage. A de nombreuses reprises, il voyage seul en France et à l’étranger pour étudier et traduire l’influence de l’urbanisme et de l’architecture sur la collectivité. Nous découvrons à travers son travail la nécessité qu’une société a à regrouper les individus jusqu’à en faire disparaître leurs individualités. A cette époque, il réalise notamment un reportage sur la gare abandonnée de Canfranc. Un cliché de cette gare Franco-espagnole délaissée par la France depuis les années 70 suite à un accident ferroviaire lui fera remporter un concours sur le thème de l’Attente.
Bien que la photographie soit un ancrage déterminant sur son travail actuel, la position de voyeur du reporter face à ses sujets ne lui suffit plus. Il souhaite influencer d’avantage ses retranscriptions.
Durant plusieurs années, son travail prend la forme d’une observation sur l’individualité à travers des séries de masques, d’enveloppes corporelles, d’expressions, de cycles. Fasciné par la question du temps et de ce que l’individu en fait, il utilise le médium photographique comme des tubes de peintures. Pour cela, il réalise des clichés avec ses modèles en leur faisant prendre des émotions universelles, par différents effets numériques comme le morphing, il donne vie à ses sujets, Empire des sens, (2009). La toile et le châssis laissent place à l’écran plat et au vidéoprojecteur. Ses premières créations s’attachent à reproduire les codes et les lumières de la tradition picturale du XVII et XIXème siècle pour créer un pont entre l’art classique / néoclassique et ce genre artistique contemporain qu’est l’art numérique, Boy Toys, (209).
En 2010-2011, il aborde des sujets comme la religion avec le même procédé. Richard-Giacobetti nous interroge sur la représentation du Christ. Il photographie le corps de la femme avec qui il vivait dans une combinaison intégrale de lycra pour être dépourvue de toute identité. Dès lors, le fils de Dieu devient une femme et saigne par l’entrejambe. Obscur objet de désirs et point central de l’origine de l’humanité. L’ensemble se trouve dans un univers laiteux symbolisant la pureté et le lait maternel. Imprégné par l’oeuvre de Vermeer, ce tableau animé sera intitulé «Milkmaid» (la laitière) et sera exposé notamment à New York.
Jusqu’à sa rencontre avec l’art conceptuel, Richard-Giacobetti poursuit sa production avec la vidéo (serie : Fluid mecanics, (2014-2016), la peinture (Série : Magnus Heros, 2012), et des installations (Household mirror, 2012), (Play time, (2017).
Il reconnait avoir longtemps délaissé l’art conceptuel jusqu’à comprendre qu’une seule oeuvre pouvait avoir autant de puissance que l’ensemble des oeuvres produites jusqu’à présent.
Richard-Giacobetti explore alors le mouvement pour capturer le hasard, l’impermanence comme pourrait le faire un enfant sur un jeu d’empilement ou de construction. Ces inspirations proviennent d’artistes tels que Thomas Downing, Josh Sperling, Alexander Calder et des jeux de construction desa fille.
Chaque oeuvre peut donc être transformée par des actions extérieures au processus de l’artiste. L’observateur devient créateur et bénéficie d’un nouvel élément de langage lui permettant de s’exprimer à son tour.
«Mythos» est la première des séries réalisées. Protégée par une plaque de verre les mobiles se déplacent ou se décrochent de leur lieu d’origine dès lors que le tableau est secoué. Ils peuvent être replacés dans leurs habitacles d’origine, si ce n’est pas le cas, le tableau se renouvelle, se réinvente. Comme pour la mythologie, ces tableaux peuvent être des intrigues humaines, de la jalousie, de l’envie, de l’amour ou juste la cendre incandescente d’une cigarette qui tombe sur le sol.
Dans la série «Syndrome», le parti pris de Richard-Giacobetti est de n’imposer aucun mouvement, aucune dynamique, aucun geste sur la surface de l’oeuvre. C’est le voyeur qui devient souverain. Dépourvue de protection, il peut ajouter, déplacer ou supprimer les mobiles directement du tableau. Il intervient dans le processus de création et transforme son statut d’observateur en créateur, en géniteur.
Dans la serie «Janus», Richard-Giacobetti nous oblige à traverser le miroir pour nous insiter à ouvrir notre perception et notre champ de reflexion.
Ludique et esthétique, Richard-Giacobetti assume des caractéristiques qui peuvent être coupables en art contemporain. Et dans une société où le concept participatif se trouve désormais au centre de la démocratie, il nous interroge sur la position du contributeur, devient-il rééllement un créateur ?
In 2018, a question was asked to Richard-Giacobetti, “what is an artist?”» The answer he gives is the following: “An artist is someone who lets his cigarette burn until the ashes fall without realizing it... even if he doesn’t smoke”. Why such a response ?
Richard-Giacobetti began in the 90s with reportage photography. On many occasions, he travels alone in France and abroad to study and translate the influence of town planning and architecture on the community. We discover through his work the need for a society to bring together individuals until their individualities disappear. At that time, he notably produced a report on the abandoned Canfranc station. A snapshot of this Franco-Spanish station abandoned by France since the 1970s following a rail accident will win him a competition on the theme of Waiting.
Although photography is a decisive anchor in his current work, the reporter’s position as a voyeur in front of his subjects is no longer enough for him. He wants to influence his transcriptions more.
For several years, his work took the form of an observation on individuality through a series of masks, body envelopes, expressions, cycles. Fascinated by the question of time and what the individual does with it, he uses the photographic medium like tubes of paint. For this, he takes pictures with his models by making them take on universal emotions, by different digital effects such as morphing, he gives life to his subjects, Empire of the senses, (2009).
The canvas and the frame give way to the flat screen and the video projector. His first creations endeavor to reproduce the codes and lights of the pictorial tradition of the 17th and 19th centuries to create a bridge between classical / neoclassical art and this contemporary artistic genre that is digital art, Boy Toys, (2009).
In 2010-2011, he tackled subjects such as religion with the same process. Richard-Giacobetti asks us about the representation of Christ. He photographs the body of the woman he lived with in a full lycra suit to be devoid of any identity. From then on, the son of God becomes a woman and bleeds from the crotch. Obscure object of desires and central point of the origin of humanity. The set is in a milky universe symbolizing purity and breast milk. Impregnated by the work of Vermeer, this animated painting will be entitled «Milkmaid» (the milkmaid) and will be exhibited in particular in New York.
Until his encounter with conceptual art, Richard-Giacobetti continued his production with video (series: Fluid mecanics, (2014-2016), painting (Series: Magnus Heros, 2012), and installations (Household mirror, 2012), (Play time, (2017).
He acknowledges having abandoned conceptual art for a long time until he understood that a single work could have as much power as all the works produced so far.
Richard-Giacobetti then explores movement to capture chance and impermanence as a child might do on a stacking or construction game. These inspirations come from artists such as Thomas Downing, Josh Sperling, Alexander Calder and his daughter’s construction games.
Each work can therefore be transformed by actions external to the artist’s process. The observer becomes creative and benefits from a new element of language allowing him to express himself in turn.
“Mythos” is the first of the series produced. Protected by a glass plate, the mobiles move or come loose from their place of origin as soon as the board is shaken. They can be replaced in their original compartments, if this is not the case, the picture is renewed, reinvented. As with mythology, these paintings can be human intrigues, jealousy, envy, love or just the glowing ashes of a cigarette falling to the ground.
In the “Syndrome” series, Richard-Giacobetti’s bias is to impose no movement, no dynamics, no gesture on the surface of the work. It is the voyeur who becomes sovereign. Without protection, it can add, move or delete mobiles directly from the table. He intervenes in the creative process and transforms his status from observer into creator, into progenitor.
In the “Janus” series, Richard-Giacobetti forces us to go through the mirror to encourage us to open our perception and our field of reflection.
Playful and aesthetic, Richard-Giacobetti assumes characteristics that can be guilty in contemporary art. And in a society where the participatory concept is now at the center of democracy, it questions us about the position of the contributor, does he really become a creator ?